Hier a vu naître le premier jour du printemps, du renouveau. C'est là un moment fort pour le clan Kàvalii qui est en fête. Durant près de sept jours, ils festoieront au rythme des chants traditionnels pour ainsi rendre hommage aux quatre éléments que sont l'eau, le feu, la terre et l'air.
Pour l'occasion, un grand feu a été établi au centre de la grande place pour ainsi chasser les dernières froideurs de l'hiver et Daenor s'est vu parée d'une multitude de fleurs, choisies avec soin par les femmes du villages. Une nouvelle année commence, espérons qu'elle soit aussi prospère que la précédente...
Les coudes enfoncés avec lourdeur dans une grande table de bois, Asmund n’avait pas la force de rejoindre la danse traditionnelle qui rythmait avec ferveur la grande place de la capitale. Au rythme des musiciens, son peuple célébrait comme chaque année les quatre éléments primordiaux de mère nature. Un revers de manche suffit au guerrier pour faire disparaître les traces d’alcool de ses lèvres et sa barbe. L’odeur du Danheimen était omniprésente sur les tablées autour de la sienne. Le dos appuyer avec lourdeur contre la table et le cul lourdement vissé sur son banc. Un geste fut suffisant pour qu’il ne s’empare à nouveau de la bouteille portant son goulot à ses lèvres. Les chants en l’honneur du vent résonnaient autour de lui tandis qu’il déposait son regard sur les femmes dansant pieds nus autour du grand feu. Un léger sourire s’affichait sur son visage avant qu’un poing aussi titanesque que le sien ne vienne s’abattre sur son épaule. Un colosse tombait lourdement alcoolisé à ses côtés explosant de rire enfonçant à son tour les coudes dans la table de bois. Un sourire amusé se dessinait a présent sur son visage et son expression se transformait doucement sous ses airs rude. Un geste suffit pour qu’il ne lui claque une bouteille entre les mains lançant ses salutations guerrières en ancien kàvalii. Les arômes fruités de l’alcool dansaient doucement sur son palet tandis que la douceur de cette substance orangée liquoreuse adoucissait sa gorge asséchée par l’immense brasier à plusieurs dizaines de mètres face à lui. Les minutes s’écoulaient entre les deux guerriers du peuple des montagnes. Les anciennes histoires de guerre et les comtes mythologique animaient la conversation avec passion perceptible tant dans les mots que dans les gestes. Ils trinquaient aux compagnons d’armes ayant rejoint le royaume des Helvegnanda. Ils buvaient à la santé de leurs proches afin qu’ils puissent bénéficier de la protection des quatre éléments et enfin ils s’enivraient en remerciement à mère nature pour sa protection ainsi que sa bonne grâce.
Emporté par la mélodie et le rythme des danses son compagnon d’arme disparaissait. Une délicate main féminine l’avait accroché l’emportant dans le tumulte des célébrations kàvaliennes. Cette fois seule le revers de sa main nettoyait le coin de ses lèvres humidifiées par l’alcool de Danheim. Son pied suivait le rythme des musiciens chantant et jouant les louanges du grand feu. Son énorme main frappait en rythme avec les tambours et d’entre ses lèvres il murmurait les paroles de cet ancien poème kàvaliens adapté en chanson. Son regard se perdait sur les fleurs qui décoraient de manière si atypique la ville comme chaque année à l’arrivée du printemps. La grisaille et la froideur de l’hiver laissaient place aux magnifiques colorations. Dans un nouveau cycle, la vie reprenait ses droits sur le sommeil en suspend des enfants de mère nature. Il savourait chaque instant depuis qu’il s’était installé à cette table en solitaire. Un rictus s’échappait de ses lèvres passant une main devant ses yeux essayant de réprimer son envie de rire. Un souvenir faisait son apparition soudaine. La fête des quatre éléments de l’année dernière était un souvenir complètement flou dans son esprit. Il ne comptait plus les litres de cervoise et Danheimen qu’ils avaient éclusés avec ses compagnons d’armes. Le nombre de danse qu’il avait effectué avant qu’il ne s’écroule de fatigue sur l’une des tablées. Les histoires mythologie qu’il avait partager aux plus jeunes enfants de son peuple. Il espérait cette année que les célébrations ne dépassent par les barres atteintes l’année précédente. Son corps de vieux guerrier usé par la guerre ne supporterait pas de la même manière. Ses yeux se rivaient a nouveau sur les kàvaliens autour de lui, un sourire visible sur son visage malgré les regards quelques peu assassins de certains membres du clan. Aux yeux de certains, il en avait déjà fait l’expérience, les guerriers n’avaient pas leur place dans une célébration comme celle-ci. Ils représentaient tout ce qu’il y a de plus négatif au sein d’un clan.
Enfys ne sentait plus la sueur qui coulait sur son front. Elle dansait autour du bûcher, oubliant même jusqu’à sa propre essence. Ses pieds nus étaient sales, poussiéreux, mais la jeune guérisseuse était au-delà de ces considérations. Ce soir, elle rendait hommage au renouveau. Ce soir, elle remerciait mère nature de sa générosité, de son abondance. Elle prierait, pour une nouvelle ère, clémente et nourricière. Comme chaque année depuis son passage à l’âge adulte, depuis le début de son apprentissage, la Guérisseuse accompagnait les chamans. Participaient aux chants et danses rituelles qu’elle avait tant de fois observé de ses yeux d’enfants. Le danheimen avait coulé à flot, engourdissant et réveillant à la fois chaque partie de son être. Et alors qu’elle s’était mise à danser autour du feu sacré, Enfys était devenue le Vent, la Terre, le Feu. Elle faisait corps avec la nature. Le rythme sourd des tambours résonnait en elle, réveillant l’animal, la brutalité de la nature qui sommeillait en elle. Alors que la musique s’arrêtait brusquement, Enfys tomba genoux à terre, pantelante. Comme son clan, elle leva les bras vers l’immense bûcher, laissant la chaleur brûler son visage. Elle déclama le texte sacré, d’une voix lointaine qui ne semblait pas lui appartenir.
« Que nos voix résonnent dans les vallées, que les arbres se balancent à l’écho de nos paroles sacrées. Que l’ascension mystérieuse de la fumée réponde à notre appel. Le feu a entendu son nom, Mère Terre partage sa générosité, gardienne et protectrice de nos pas. Nous avons appelé les vents. Nous avons appelé le feu. Nous avons appelé la Terre. Nous vous priions, en cette nuit sacrée d’étendre votre grâce à toutes choses. Que feu des Kàvalii s'embrase, que les flammes prennent vie, qu'elles nous réchauffent, qu’elles éclairent nos nuits. »
Les voix des autres Kavalii autour d’elle s’entremêlaient, laissant place à un chant psalmodique, puissant, fort. Le chant de l’union d’un clan. Du réveil de la vie, alors que la nature troquait son manteau blanc pour laisser l’essence de toute chose refaire surface. Un petit bol ne tarda pas à faire son apparition dans le cercle de danseur. Un à un, les Kàvalii en prenaient une gorgée. Enfys n’examina pas trop rapidement la substance rougeâtre avant d’y tremper ses lèvres. Elle savait parfaitement ce dont il s’agissait : l’essence de la renaissance. Elle permettait de s’affranchir du corps, laissant l’esprit communier avec Mère Nature. Il ne fallut pas longtemps pour que les couleurs se mêlent, pour que même le bout de ses doigts devienne insensible, pour que l’âme ne s’affranchisse du corps. Ce qu’il se passa ensuite, Enfys n’aurait pu le dire. Il n’y avait que le feu, que la danse, elle se sentait mouvoir en harmonie avec les siens, sans pourtant avoir conscience de ses pas. Puis, dans un râle d’exaltation, son corps vint s’écraser contre la terre. Au-delà de la fumée du bûcher, elle pouvait voir la voûte des cieux, observant la lune qui semblait lui sourire, la nuit enflammée par des milliers de feux, qui comme ici-bas semblaient célébrer le renouveau. Enfys ne sentit pas les mains qui la saisirent pour la traîner plus loin du bûcher, qui l'attablèrent lourdement contre le bois frais. Sa partie du rite était terminée, d’autres Kavalii prendraient bientôt part à la danse, tandis qu’elle passerait le reste de sa soirée parmi les conteurs à écouter, partager les histoires qu’elle connaissait par cœur…
Dos collé contre Echo, elle ne bougeait pas, mais un sourire délicat apparaissait sur son visage. Dans son regard le grand feu se reflétait. La garde ne dansait pas, ne chantait pas, ne buvait pas, préférant observer la scène comme elle l'avait toujours fait depuis son enfance. Cette fête, était un moment important, pour son clan, mais de sa propre histoire personnelle, c'était surtout la période ou sa mère était morte et que son père avait choisi sa fierté à elle. Oui, elle avait rejoint le clan de Kàvalii durant les derniers jours dans la fête des 4 éléments. C'était comme un anniversaire, celui du passage d'une vie à une autre. Là, elle était sereine, mais n'arrivait pas à avoir le coeur totalement à la fête, pour dire vrai, elle n'était même pas sur de connaître véritablement les danses rituelles, même si sa grand-mère s'en donnait à coeur joie. Elle était totalement différente du reste de l'année, plus ouverte, plus souriante, plus sous l'effet du danheimen. Anrlë, égale à elle-même, restait à l'écart, parlant quelques fois à echo, mais n'allant pas forcement se mélanger aux autres.
Son esprit se perdait dans les chants anciens, son coeur semblait battre au rythme des pas des danseurs et finalement, ce fut Echo qui vint à pousser son cri bien strident qui vint à la faire remarquer. Lui lançant des gros yeux, des mains vinrent la saisir pour l'emmener au grand bûcher, ne pouvant s'empêcher de grimacer en direction de son partenaire de vol. Elle se retrouva bien démuniequand tous commencèrent à danser pour rentrer en communication avec la nature. Marmonnant quelques paroles incompréhensibles, elle repéra une faille pour filer en toute discrétion. La garde respectait énormément tout ce qui se passait, mais Anrlë avait d'autres moyens de pouvoir parler avec mère nature, et bien sûr, elle le faisait en solitaire.
Déambulant parmi son clan, une part d'elle ne se sentait vraiment pas à l'aise, face à tous ses gens sous l'influence de liquide rouge. Finalement, elle repéra à une table en solitaire, Asmund, l'homme qui lui avait tout appris de l'art du combat. Au fil des entraînements, ils étaient devenus amis et elle n'hésita pas à aller le rejoindre. C'était bien la première fois qu'elle se mélangeait aux autres, lors de la fête des 4 éléments. Tout en douceur, la jeune femme s'approcha de lui et vint à s'installer à sa table, tout d'abord en silence, avant de dire :
- Pourquoi ils te regardent ainsi, tu chantes si mal ?
Un léger rire vint à s'échapper de sa gorge, avant de repérer un peu plus loin, Enfys. Celle-ci semblait être déjà bien dans l'ambiance générale. Assez timidement, elle lui fit un petit geste de la main pour la saluer. L'avait-elle vu ? Elle l'ignorait totalement, mais elle n'osait s'approcher davantage, son amie se trouvant encore trop près à son goût des danseurs.
C’est au rythme infernal orchestré par les musiciens que les célébrations de la fête des quatre éléments s’enchaînaient dans un savant mélange d’aromes. Le vent portait aux narines des kàvaliens le doux mélange de l’embrasement du bois et des fleurs disposés avec soin sur la grande place de la capitale kàvalienne. Les arômes fruités de l’alcool de danheim flottaient au dessus de leurs têtes tandis que ceux de la nourriture que l’on préparait en abondance flirtaient tendrement avec l’estomac des plus affamés. A nouveau, le goulot de sa bouteille de danheimen se portait entre ses lèvres. L’imposant guerrier du clan des montagnes laissait de grandes lampées d’alcool enivrer chacun de ses sens. Sous sa barbe se dissimulait un léger sourire lorsque son regard se perdait sur les femmes laissant leurs corps réagir aux sensations de la musique kàvalienne. Les ombres dansaient sensuellement dans les flammes du grand brasier. Au dessus de la grande place les voix s’élevaient en échos dans les cieux. Le spectacle sous ses yeux était hypnotisant. Son esprit enivrer par l’alcool se laissait doucement guider par le rythme battu au grès des danses tandis que les instruments à vent ancestraux des musiciens s’élevaient majestueusement dans une réverbération parfaite. Au son des instruments à cordes venant se joindre à la célébration, Asmund fermait les yeux écoutant la majestueuse voix de l’homme à la barbe tressée. A nouveau, immobile, il laissait de grandes lampées d’alcool glisser avec lenteur le long de son gosier. Il pouvait sentir leurs âmes festoyant avec joie parmi les vivants. Ils leurs avaient accordés le privilège de pouvoir déambuler parmi leurs parents, frères, sœurs et mères. Invisible néanmoins si présent à ses côtés depuis le début du grand rassemblement en l’honneur des quatre éléments. Ils envoyaient en échos cette musique parmi les montagnes. Ils apaisaient les souffrances de mère nature en s’envolant avec cette musique. Les morts disparus s’enivraient parmi eux. La terre leur avait offert la rédemption et le feu réchauffait leurs âmes encore meurtries par la dernière image de la mort. Bientôt ils retourneront aux quatre éléments. Eux, redevenus humble serviteur de l’eau, le feu, l’air et la terre.
Au abords des immenses océans. Au milieu des déserts asséchés et des forets verdoyantes. A travers les murs de flammes à la recherche d’une mort honorable dans le combat. Il avait autrefois manqué de respect à l’essence même de la vie sur cette planète. Se pourrait il qu’ils aient décidés de le punir en ne lui offrant pas la mort ? Etait-ce simplement une chance pour lui d’obtenir la rédemption et le lavement de ses péchés avant que son corps ne retourne à la terre ? Il ouvrait doucement les yeux inspirant avec lenteur et profondeur les différentes odeurs qui lui montaient aux narines. Le barbu aux cicatrices imposantes se saisissait d’une nouvelle bouteille de ce liquide alcoolisé sautant le bouchon d’un simple geste du pouce quelques secondes avant de s’envoyer a nouveau plusieurs lampées dans le gosier. A présent, son visage n’affichait plus expression. Il restait fermer observant son environnement. Une femme travaillant pour l’échoppe de Silvek s’élançait avec aisance parmi les tables bondées. Un plat typiquement kàvaliens entre les mains qu’elle déposait dans un grand bol sur la table à ses côtés. Un sourire amical au coin des lèvres s’élançant de nouveau parmi les tables en embarquant les bouteilles vides. Sans vraiment plus attendre, son énorme main amputée d’un doigt se refermait sur le bol et il plongeait l’imposante cuillère de bois dans le bol de riz et viande de loup. Anrlë se glissait doucement à ses côtés lorsqu’il lançait finalement son bol vide sur la table de bois. Les minutes s’étaient écoulées avec lenteur au rythme des chants et poèmes kàvaliens tandis qu’il s’emparait de nouveau de sa bouteille se glissant dans sa position initiale. « Une partie de notre peuple ne tolère pas la présence d’hommes comme moi lors de cette célébration, laerling. Nous incarnons le contraire de cette célébration à leurs yeux. » Sa voix était enrouée par l’alcool qui coulait a flot. Un léger sourire sur le visage, il laissait un soupir s’échapper d’entre ses lèvres Délicatement, il détournait le visage et le regard sur Anrlë. Quelle ne fût pas sa surprise de sentir son malaise d’être en société en un seul coup d’œil sur son visage. Sans vraiment réfléchir, il lui tendait sa bouteille insistant légèrement du regard avant de la déposer lourdement face à elle. Au coin de l’œil, il apercevait Enfys. La jeune guérisseuse semblait déjà être dans l’ambiance de la fête. Immobile, il détournait finalement le regard sur son apprentie insistant une nouvelle fois en lui désignant la bouteille du menton. Sa main se refermant sur la bouteille d’un de ses compagnons d’armes passant face à lui au même instant. A nouveau dans sa position initiale, il portait une dernière fois le goulot de la bouteille à ses lèvres.
Seul le mouvement de la musique arrivait encore à ses oreilles. L’harmonie des tambours qui dansaient en cadence avec l’air, le feu, et la terre qui vibrait sous ses pieds. Les Kavaliis ne faisaient qu’un avec la nature ce soir. Le raclement des gobelets, le ruissellement de l’alcool, les rires fêtards, s’accordaient ensemble en un joyeux brouhaha. Enfys était perdue quelque part dans le brouillard de tout ces bruits. La joue posée contre le bois frais, elle fermait les yeux pour profiter de l’esprit festif, de la chaleur du renouveau qui faisait frissonner sa chair. Mais déjà, des mains l’agrippèrent, l’incitant à monter sur la table, et danser à nouveau. Elle s’exécuta sans y réfléchir. Le monde n’était pour elle qu’un épais brouillard ; les hommes semblaient des figures vives et fugitives, qui échappait à sa prise. Les pieds nus sur la table en bois, Enfys aurait pu danser avec son pire ennemi qu'elle ne l’aurait même pas remarqué. Elle se fichait du monde à ses pieds. Il n’y avait que la musique, la joie, qui comptait. L’air était incisif, lui susurrant à l’oreille de se mouvoir avec lui, de chanter et communier avec lui. Alors Enfys obéit, elle l’écoutait, le suivait. Et alors que le vent lui soufflait un dernier rire à l’oreille, elle perdit l’équilibre, tombant de tout son long sur le sol poussiéreux. Une douleur sourde perça son flanc, mais fut bien vite ensevelie par les éclats de rire qui s’élevèrent bientôt autour d’elle. Enfys ne put s’empêcher de se joindre à l’hilarité générale, laissant sa voix se mêler à celle de son clan. Une ancienne ne tarda pas à s’approcher de la jeune guérisseuse, et l’aida à se relever. Enfys accepta l’aide sans broncher, saisissant la main ridée avec soulagement. Le monde tanguait, tout était un brouillard de sensations indistinctes. On lui mit un gobelet entre les mains, la sommant d’aller s’asseoir. Et dans la confusion des visages, elle s’approcha d’une démarche titubante et gauche des portraits qu’elle arrivait à reconnaître. Enfys se laissa tomber sur sa chaise avant de passer un de ses bras autour des épaules de son voisin, s’affalant sur le terrible guerrier des Kavalii. « Ça alors, mais tu sais sourire ? » lança t-elle à Asmund, d’une voix approximative. Chaque mot paraissait dur à articuler, comme sa mâchoire refusait catégoriquement de fonctionner normalement. Enfys adressa néanmoins ce qui devait ressembler à un clin d’oeil à son amie Anrlë, avant de continuer. « J’sais pas c’que tu lui as fait, An’, mais ça marche ! » Dans un soupir, l’apprentie guérisseuse cala sa tête contre l’épaule du géant, essayant tant bien que mal de calmer son crâne qui tournait à toute vitesse.
Trouver un nouvel endroit ou se cacher. Voilà ce qu'Anrlëavait cherché après avoir réussi à fuir les danseurs. Tous semblaient être dans le même état. La garde volante n'arrivait à savoir ce qu'il y avait de bon à être complètement hors contrôle, sous l'influence du danheimen. De toute manière à chaque fête des quatre éléments, elle s'était posé la question et jamais, elle n'avait véritablement eu de réponse. Trouvant refuge auprès d'Asmund, là, elle était presque certaine que personne ne viendrait la chercher, qui oserait venir se frotter à son maître d'armes ?! Quand, elle lui demanda ce qui poussait les personnes alentour à le regarder ainsi, elle apprit que certains du peuple n'étaient pas en accord avec la présence du guerrier. Une bien drôle d'idée, il faisait partie du clan, comme chacun d'entre eux, bien sûr, il était l'opposé de sa propre personne, mais en vue de sa propre sociabilisation, si elle était acceptée, Asmund se devait de l'être aussi. Alors, elle haussa simplement les épaules pour signifier son incompréhension, tandis qu'elle continuait à se faire la plus petite possible. Trop de monde autour d'elle, Anrlë n'était pas à son aise.
Ayant remarqué Enfys, un peu plus loin, elle l'avait salué sans vraiment être sûre que celle-ci l'avait vu. Ce fut à ce moment-là qu'elle vit Asmund lui tendre la bouteille. Tout d'abord, elle hochait la tête d'un sens à l'autre pour signifier son refus, mais après quelques instants, il insista une nouvelle fois. Après tout qu'est-ce qu'elle risquait de boire qu'une gorgée, cela lui permettrait peut-être d'être plus à son aise ou du moins légèrement dans l'ambiance. Attrapant la bouteille, au simple contact du liquide dans sa gorge, elle se mit à grimacer et à tousser à plusieurs reprises. Des larmes coulaient de ses yeux.
- Mais, comment vous pouvez boire ça ?
C'était fort, bien trop fort pour celle qui ne buvait que de l'eau. Reposant la bouteille, elle avait l'impression que le goût ne quitterait jamais sa bouche. Une horreur ! Son regard se posa finalement si la guérisseuse qui s'était rapproché d'eux. Complètement coller à Asmund, son clin d'oeil, la laissa perplexe. De quoi pouvait-elle bien lui parler ?
- Tout va bien Enfys ?
Oui, sa nature compatissante reprenait le dessus. Là, elle s'inquiétait de l'état de son amie. Tenant toujours la bouteille dans sa main, sans avoir retenté l'expérience, elle jeta un regard à Asmund et lui demanda :
A nouveau depuis les débuts des célébrations, les regards insistants de certains membres du clan des montagnes se figeaient dans sa direction. Le colosse se contentait simplement de profiter de la vision de son peuple festoyant en l’honneur des quatre éléments. Il n’avait que faire de l’avis de certains de ses congénères. Il n’avait que faire des idées de certaines personnes au sein du clan kàvalii. Une nouvelle fois, l’alcool de Danheim glissait le long de sa gorge. Les arômes sucrés de cet alcool s’emparaient immédiatement de ses papilles gustatives dans un bal aussi parfait que les danses endiablées qui se poursuivaient au milieu de la place de la capitale. Un léger rictus amusé s’échappait d’entre ses lèvres. Ses yeux se rivaient sur son expression déformée par une grimace de dégoût. Asmund avait l’impression de voir un enfant kàvalii découvrir l’alcool de Danheim pour la première fois de son existence. Tel était très certainement le cas, secouant légèrement la tête par dépit, il reportait son attention sur les tables avoisinantes plantant toujours violemment ses coudes dans la table de bois. Un barde contait les légendes kàvalienne aux jeunes enfants qui buvaient ses paroles avec attention tandis qu’un peu plus loin un groupe d’homme s’amusait avec un jeu typiquement des montagnes. Ils faisaient entendre la joie et les différentes moqueries amicales entre eux comme si leur groupe était le seul présent à ce grand rassemblement. Sans véritablement comprendre, il sentait une main se poser sur son épaule et des bras l’enlaçaient en l’espace de quelques secondes. Si son premier réflexe aurait été de donner un grand coup d’épaule pour se défaire de cette étreinte, il aperçu rapidement la crinière rousse de la guérisseuse et restait immobile. « Ca alors, mais tu sais sourire ? » Ses paroles étaient vagues, distantes et terriblement difficiles à comprendre. Son sourire s’élargissait de plus belle sur son visage tandis qu’il s’envoyait une nouvelle lampée d’alcool à travers le gosier.
Il avait l’habitude de voir les plus insouciants consommer différentes plantes afin de rentrer dans une forme de transe pour communiquer avec mère nature. Asmund l’avait déjà fait, bien entendu, mais aujourd’hui le guerrier se contentait de consommer bouteilles… après bouteilles. Après bouteilles. Après bouteilles au point de finir par s’endormir ivre mort sur une table. Il communiait avec les quatre éléments d’une manière différente de son peuple. Lui, et beaucoup de ses compagnons, n’avaient jamais eu la même communion avec mère nature. Dans un clin d’œil amusé après avoir poser ses yeux dans ceux de la rousse déposant sa tête sur son épaule. Il passait sa main abîmée dans les cheveux de celle-ci lui dégageant une mèche de son visage. Le repos. Elle avait besoin de repos. Il hochait négativement la tête à la question de Arnlë, observant finalement son apprentie du coin de l’œil avant de trinquer sa bouteille contre la sienne. « L’allongée serait la pire des idées. » Asmund souriait lui envoyant un clin d’œil. L’effet de l’alcool commençait à se faire ressentir paisiblement à son esprit s’envoyant une énième lampée de ce liquide rougeâtre dans le fond du gosier. Les yeux rivés vers le grand feu, son champ de vision se troublait lentement ne laissant plus qu’apparaître un seul point d’une couleur orangée au centre de celle-ci. Quelques secondes, suffisantes pour lui faire comprendre que les deux bouteilles vides se trouvant sur la table derrière lui avait enfin réussi à enivrer complètement son esprit. Il secouait la tête délicatement reprenant ses esprits avant de faire signe à la serveuse pour qu’elle apporte un peu d’eau. Enfys en aurait très certainement besoin et lui aussi, il commençait à sentir sa bouche pâteuse et sèche à force de boire du danheimen. « Tu ne danses pas avec ton cavalier ? » Il lançait cette phrase sur le ton de l’humour observant le partenaire de vol de Arnlë immobile. Un sourire aux lèvres, Asmund ne pouvait s’empêcher de penser à son Fehu. Cette tête de mule qui avait refusée de se poser paisiblement à la volière mais plutôt en plein milieu de l’école de vol de la ville…
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