Il y avait quelques choses dans le regard du chaman, une sorte de lueur, une petite étincelle qui dansait au gré de ses humeurs. Sa cécité lui avait privé d’un des sens les plus importants dans ce monde, mais malgré ça, il continuait à avancer, à survivre. Nombreux étaient les dissidents qui refusaient de le prendre en charge, jugé trop fébrile, pas assez rapide, mais il fut protégé par ceux qui croyait en son potentiel et en sa réussite. Les parents de Grïve faisaient partie de cette deuxième catégorie. Ils lui apportaient de la nourriture, l’aidaient à se diriger le défendaient lorsque celui-ci avait le dos tourné. Les dissidents n’étaient pas tous agréables avec ce nouvel arrivant, mais ils savaient faire attention à leurs paroles, car après tout, il n’était pas qu’un simple aveugle, il était un chaman et pour un grand nombre d’entre-deux, cela avait encore de l’importance. Le chef de leur petit groupe le tenait en grande estime et préférait souvent l’avoir auprès de lui, juste par sécurité. Ces deux hommes partageaient plus que des idéologies, ils aimaient partager des histoires et peut-être que cela provoquait des jalousies, du moins, c’étaient les dires de sa mère. Parfois, les hommes ne supportent pas que l’attention soit sur un autre.
Sa famille était un grand soutient pour cet homme, même son frère l’appréciait, mais pour Grïve, qui était plus terre-à-terre, elle s’interrogeait sur ses véritables capacités. Allait-il réellement les aider ou les faire tuer ? Elle refusait que cet homme soit la raison de la chute de ses proches. Bien sûr, elle se montrait gentille à son égard lorsqu’il cherchait à discuter, mais ça n’allait pas plus loin. Il était à ses yeux davantage un fardeau. Une pensée qui fut partagée avec sa mère, une grave erreur, puisqu’il la força à créer des liens avec cet homme qui n’était qu’un inconnu. Tendre la main, c’est ce qui compte le plus : pas étonnant qu’elle fut bannie de son propre peuple qui ne cherche que les conflits.
Dans leurs groupes, les enfants apprenaient à survivre dès leur plus grand âge. Grïve avait appris auprès de l’ébéniste pour l’aider à fabriquer des pièges, un savoir qu’il fallait continuer à transmettre, mais seulement à ceux dont ils avaient réellement confiance, ce qui n’était pas le cas de ce chaman, mais Grïve obéit aux ordres de sa mère et se mit à rechercher l’homme sans vu. Il se trouvait dans une de leur tanière, à l’abri de la brise et de la rosée du matin.
- Bonjour, avez-vous passé une bonne nuit ?
Grïve roulait presque des yeux, elle ne voulait pas être ici et encore moins à apprendre à le connaître, mais elle faisait l’effort.